ARISTOTE / LES RITES / LES DRUIDES ANTIQUES

09/03/2025

La citation attribuée à Aristote par Diogène Laërce, selon laquelle « grâce aux Druides, la Gaule avait été l'institutrice de la Grèce », est souvent évoquée dans les débats sur l'influence culturelle entre Celtes et Grecs. Cependant, son interprétation mérite une analyse approfondie, notamment pour comprendre dans quel cadre Aristote aurait pu tenir de tels propos et comment cela s'inscrit dans le contexte des pratiques rituelles et philosophiques comparées.

 LE CONTEXTE DE CETTE CITATION ET SA FIABILITÉ 

Cette affirmation, si elle est authentique, semble surprenante au regard des schémas classiques impliquant que les Celtes étant des barbares, rien d'intelligent n'auraient pu sortir de chez eux. Elle pose la question du rôle des Druides et de leur influence sur les penseurs grecs. Cependant : - Aucun écrit direct d'Aristote ne nous est parvenu mentionnant explicitement les Druides.- Diogène Laërce (IIIe siècle apr. J.-C.) est un auteur tardif qui compile des traditions orales et écrites sur les philosophes anciens, mais sans toujours citer ses sources précisément. - La transmission des textes antiques ayant pu être altérée ou embellie, il est possible que cette phrase ait été exagérée ou mal interprétée par les copistes postérieurs. Malgré ces réserves, il existe des indices montrant que les Grecs avaient un respect certain pour les Druides et les considéraient comme des sages comparables à leurs propres philosophes.

L'INFLUENCE PRÉSUMÉE DES DRUIDES SUR LA PENSÉE GRECQUE 

Si l'on prend cette citation au sérieux, elle suggère que la Gaule et ses Druides auraient influencé la Grèce sur le plan philosophique et religieux.

LA TRANSMISSION DE LA PENSÉE PYTHAGORICIENNE ET L'ANALOGIE AVEC LES DRUIDES 

L'un des parallèles les plus frappants entre Grecs et Celtes, en tous cas, relevés à tort ou à raison par certains auteurs anciens, réside dans la ressemblance entre la doctrine Druidique et le pythagorisme : -Posidonios (IIe siècle av. J.-C.) affirme que les Druides enseignaient la métempsychose (réincarnation), une idée centrale chez Pythagore (VIe siècle av. J.-C.). - Diodore de Sicile compare explicitement les Druides aux philosophes et théologiens grecs, notamment aux pythagoriciens. - Ammien Marcellin (IVe siècle apr. J.-C.) parle des Druides comme de « philosophes » qui s'intéressaient aux sciences naturelles et à la morale ( Suivant Ammien Marcellin, Pythagore proclame les druides « les plus élevés des hommes par l'esprit. »).Polystor, une des plus grandes autorités des anciens pour la connaissance des temps passés, enseignait que « Pythagore avait voyagé chez les druides, et qu'il leur avait emprunté les principes de la philosophie. »Ces éléments suggèrent une possible parenté intellectuelle entre les deux traditions, mais cela ne signifie pas nécessairement que la Gaule a influencé directement la Grèce. On ne peut écarter l'hypothèse que ces ressemblances découlent d'un héritage indo-européen commun, où certaines croyances et structures rituelles auraient été conservées et développées différemment par les Grecs et les Celtes. 

 LES CONTACTS HISTORIQUES ET ÉCHANGES ENTRE LES CELTES ET LES GRECS 

Bien que les Grecs aient décrit les Druides comme des figures respectables, leur influence directe sur la pensée grecque reste difficile à prouver. En revanche, nous savons que des contacts commerciaux et culturels existaient entre Celtes et Grecs, notamment : - La colonie de Massalia (Marseille, fondée vers 600 av. J.-C.) qui a été un point de rencontre entre Grecs et Celtes. - Les échanges commerciaux attestés entre la Gaule et le monde méditerranéen, notamment à travers la diffusion de la céramique attique en Gaule et l'importation de vin par les Celtes. - Des emprunts linguistiques possibles : certains mots celtiques auraient pu passer dans le grec et inversement ( sauf si, ils ont une origine commune ). Ces interactions ont pu jouer un rôle dans la transmission d'idées religieuses ou philosophiques, mais il est difficile de démontrer une influence intellectuelle des Druides sur la philosophie grecque. 

 L'APPORT GRECS AUX CELTES : UNE INFLUENCE INVERSE PLUS ATTESTÉE :

 Si l'idée d'une influence des Druides sur les Grecs est séduisante, l'inverse est historiquement plus démontrable : - L'hellénisation de certaines élites celtiques, notamment en Gaule du Sud et en Ibérie, où des Celtes ont adopté des éléments de culture grecque. - Les influences artistiques et architecturales grecques, visibles dans les sanctuaires celtiques comme à Roquepertuse ou Entremont. - Les modèles de divinités partagés, où certaines divinités celtes ont été assimilées à des dieux grecs (exemple : Lug comparé à Apollon). Ainsi, même si il est possible d'envisager une transmission des savoirs druidiques vers la Grèce, il est aussi plausible que l'on relève les caractéristiques d'un héritage commun, qui aurait sans doute facilité les échanges commerciaux. LE 

CADRE RITUEL : POURQUOI LES GRECS SONT UN MEILLEUR POINT DE COMPARAISON QUE LES VEDIQUES : 

Dans le cadre de l'étude des rituels druidiques, il est plus que temps de se demander si il ne serait pas au moins aussi pertinent de se référer aux pratiques grecques qu'aux rites védiques, et ce, pour plusieurs raisons : - Les Grecs ont décrit directement les Druides et leurs pratiques, tandis que les textes védiques n'évoquent jamais les Celtes. La seule source où les Druides sont comparés à la culture védique vient de Saint Cyrille d'Alexandrie, dans sa thèse contre l'empereur Julien, soutenant que la croyance à l'unité de Dieu avait existé chez les nations étrangères avant de se répandre chez les Grecs, allègue l'exemple des druides, qu'il met au niveau des disciples de Zoroastre et de Brahma. - Les rites grecs et celtes ont des points communs : sacrifices d'animaux, offrandes de pain et de vin, , lieux sacrés en plein air, comme temples construits.- Les récits de voyages dans l'Autre Monde (comme ceux d'Orphée ou d'Héraclès) ressemblent aux mythes celtiques de Tír na nÓg, alors que le Védisme repose sur une conception du cycle des réincarnations plus abstraite. En revanche, les rites védiques reposent sur une structure sacerdotale brahmanique ayant des pointes communs importants avec celle des Druides, avec des pratiques liturgiques codifiées autour du sacrifice du feu (Agni), que l'archéologie permet de penser équivalentes, mais avec des différences d'organisations sociales ( le système des castes) absentes de la société celtiques. 

 CONCLUSION :

Si Aristote (ou un de ses disciples) a réellement affirmé que « la Gaule avait été l'institutrice de la Grèce », cela peut être interprété de plusieurs façons : 1. Une exagération ou une erreur de transmission : la phrase aurait pu être mal comprise ou altérée au fil des siècles ( ce qui n'est pas sur non plus, depuis le XVIIIème siècle, beaucoup de "savants" ont eu la fâcheuse tendance de considérer qu'avant eux, il n'y avais que des imbéciles, tendance encore très actuelle !). 2. Une reconnaissance de la sagesse Druidique : les Grecs percevaient les Druides comme des penseurs comparables à leurs philosophes. 3. Un héritage indo-européen commun : certaines idées présentes chez les Druides et les Grecs (comme la réincarnation) pourraient découler de croyances plus anciennes partagées. 4. Des échanges culturels : l'influence intellectuelle entre Celtes et Grecs a obligatoirement été dans les deux sens , avec les Celtes intégrant des éléments du monde grec à travers Massalia et les échanges méditerranéens, mais, ce que l'on sous estime trop souvent avec les exportations commerciales très importantes du monde celtique vers le monde méditerranéen, sans oublier les expéditions militaires et le mercenariat extrêmement important, mais aussi à un niveau plus élevé, comme le laisse penser le récit très remarquable de Lucien de Samosate sur l'"Héraclès celtique". Ainsi, si cette citation peut éventuellement être regardée avec circonspection, elle témoigne de la fascination des Grecs pour les sages des Celtes, qu'ils associaient de manière certaine à des figures philosophiques et mystiques de haut niveau.Dans le Druidisme reconstructionniste, les sources historiques, archéologiques et philologiques peuvent certes être sujettes à débat et à interprétation, mais elles offrent néanmoins un cadre plus fiable que de simples hypothèses non sourcées. Aucune vérité absolue n'existe en la matière, car notre compréhension repose sur des fragments du passé et sur des tentatives de reconstitution. Cependant, fonder une pratique sur des bases vérifiables permet d'éviter les dérives de l'imaginaire pur et de préserver une cohérence la plus poussée possible avec l'héritage celtique. L'essentiel reste une quête sincère de sens, dans le respect des faits et avec l'humilité nécessaire face à ce qui peut nous échapper.Source photo : herodote.net